A l’image de notre
économie, le marché des cessions transmissions d’entreprises familiales est en
pleine mutation. Quelles remarques générales sur les opérations ? Quels profils
des repreneurs et des cédants ? Quelles tendances pour les
financements ?
Beaucoup de dirigeant d'entreprises, qui devraient passer la main, n'osent pas s'engager dans le processus de cession et de recherche d'un repreneur. La démarche de transmission les oblige à se poser des questions, à se remettre en question, accepter des concessions, accepter une perte de pouvoir... La tentative est grande, face au changement et à l'inconnu, de se replier sur soi-même et de remettre à plus tard ce sujet qu'on ne peut pas maîtriser tout seul. A cela s'ajoute le problème de la valorisation de l'entreprise. Le cédant vend rarement au bon moment. Le prix de son entreprise est souvent une projection de son ego. La transmission d'une entreprise est parfois davantage une affaire de psychologie que de chiffres.
Le marché des transmissions est attentiste
Le marché des transmissions de PME et PMI familiales est marqué par un climat d'attentisme dans les régions de l’est. La typologie sectorielle des entreprises vendues ne change pas beaucoup. Les entreprises à reprendre interviennent majoritairement dans les secteurs traditionnels d’activités de l’industrie, des services, du tertiaire et du BTP second œuvre. Cette situation devrait évoluer dans les prochains temps car il y a aujourd’hui de nombreuses créations de startups et sociétés à fort potentiel de croissance (notamment dans l’innovation numérique) qui ont dans leurs gênes un cycle plus court avec un business model prévoyant une revente à un horizon de quelques années seulement.
Les cessions d’entreprises en interne en diminution
Les cessions d’entreprises à des repreneurs extérieurs (entreprises ou personnes physiques) sont plus fréquentes que les transmissions intra-familiales ou aux salariés des entreprises concernées. Selon l’observatoire des transmissions d’entreprises réalisées par les professionnels des fusions acquisitions, 2/3 des TPE et PME sont cédées en externe et 1/3 sont vendues en interne. La raison principale est l’absence d’un repreneur dans la famille. Il y a une baisse significative du % des enfants voulant reprendre l’entreprise familiale. On observe aussi que les parents ont moins envie de transmettre leur société à leurs enfants. Ces derniers privilégient des opportunités de carrière en dehors de l’entreprise familiale et revendiquent aujourd’hui un mode de vie professionnelle moins contraignant que celui du modèle parental.
Les repreneurs sont plus jeunes, plus aguerris et ont plus de capacité financière
Les repreneurs sont majoritairement des managers avec formation supérieure en reconversion professionnelle issus de grandes entreprises. Ils ne sont pas familiarisés avec la culture de la PME ou TPE familiale. Ils s’intéressent à la reprise d’entreprise de plus en plus jeunes. On voit apparaître des repreneurs dans la tranche des 30 à 40 ans alors que l’âge moyen traditionnel de la reprise se situe à 45 ans. Ces jeunes repreneurs ne veulent plus se plier aux exigences d’un marché de travail saturé. Ils saisissent l’opportunité des ruptures conventionnelles pour se lancer dans l’aventure de la reprise avec un apport personnel dopé. La contribution financière des repreneurs tend aussi à augmenter avec l’aide plus fréquente de partenaires financiers et love-money (financement des réseaux familiaux et personnels).
On
observe aussi que les comportements de cette nouvelle génération de repreneurs
sont très différents de ceux de leurs aînés. Ces dirigeants quadragénaires sont
plus intuitifs, moins sentimentaux, plus opportunistes, capables de bousculer
la hiérarchie, totalement décomplexés sur le sujet des acquisitions et cessions
d’entreprises.
Les cédants n’attendent plus la retraite pour vendre
La durée du cycle moyen de la transmission d'une société (une quinzaine
d'années) tend à se raccourcir. Plus du tiers des cessions d’entreprises sont
motivées par une volonté de changement d'activité du dirigeant. Une part
croissante des cessions intervient avant 55 ans. Elle concerne une nouvelle
génération de cédants qui n'attendent pas le moment de la retraite pour vendre.
Ces dirigeants sont plus attachés à l'esprit entrepreneurial qu'à l'entreprise
elle-même. Ils s'adaptent facilement aux circonstances et envisagent la cession
de leur société comme une opportunité de réaliser de nouveaux projets
personnels.
Le délai pour la cession de l’entreprise s'allonge
Les cédants n’attendent plus la retraite pour vendre
Le délai pour la cession de l’entreprise s'allonge
Le délai moyen de 10 à 12 mois pour trouver le repreneur et vendre la société augmente et se situe plutôt aujourd’hui entre 18 et 24 mois. Il devient rare aujourd’hui qu’une opération de cession soit bouclée en moins d’un an. Cette situation s’explique moins par le temps nécessaire à la recherche de repreneurs que par la complexité des montages financiers et juridiques dont l’instruction prend en moyenne 6 à 9 mois. Les professionnels (conseils en cession, avocats, experts comptables…) doivent redoubler d’efforts d’explications et être plus que jamais force de proposition dans les négociations pour trouver les solutions intelligentes de compromis.
Les banques sont plus ouvertes au financement des opérations
Les banques sont plus réceptives aux financements des acquisitions d’entreprises par LBO. Mais il ne faut pas perdre de vue que l’instruction des dossiers prend du temps et que ces opérations présentent plus de risques pour elles que les financements traditionnels. On sollicite davantage les capital-risqueurs et investisseurs. Le crédit principal d’acquisition ou dette senior est souvent partagé entre deux établissements. BPIFRANCE est systématiquement sollicité en contre garantie mais cela n’empêchent pas les banques de demander des garanties personnelles au repreneur (caution personnelle), au moins pour une quote-part du crédit sollicité.
La tendance est que les cédants doivent parfois s’impliquer dans le financement de l’opération de leur repreneur en acceptant de faire le complément du financement du banquier avec un crédit vendeur. En pratique, le crédit-vendeur se situe dans une fourchette de 10 à 30 % de la valeur de l’entreprise avec un remboursement sur une durée de 2 à 4 ans.
La tendance est que les cédants doivent parfois s’impliquer dans le financement de l’opération de leur repreneur en acceptant de faire le complément du financement du banquier avec un crédit vendeur. En pratique, le crédit-vendeur se situe dans une fourchette de 10 à 30 % de la valeur de l’entreprise avec un remboursement sur une durée de 2 à 4 ans.
Temps d’opportunités pour les cédants et les repreneurs
La visibilité à court et moyen terme montre des signes de reprise et les perspectives s'améliorent. C'est maintenant qu'il faut agir car les temps à venir seront des temps d’opportunités aussi bien pour les cédants que pour les acquéreurs. Les vendeurs vont retrouver des marges de manœuvre et pourront mieux valoriser leur entreprise. Les acquéreurs auront la chance de reprendre en cycle bas dans une conjoncture en amélioration.
Jean-Yves LESTRADE, conseil et rapprochement d'entreprises (06 08 31 68 86)
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